samedi 13 septembre 2008

Le .QUI-RIT (etvous.danone ?)

Par Werner Staub, CORE
http://www.corenic.org/

En Octobre 2003 à Carthage, l'Icann, l'organisme qui gère un certain nombre de ressources de l'internet, s'est donné jusqu'au 31 décembre 2004 pour définir une politique à long terme d'introduction de nouvelles extensions. Le développement de cette politique aura pris 4 fois plus de temps. On s'y attendait un peu. Mais en 2008, nous sommes surpris par la force d'un phénomène pourtant connu : les gens ne pensent qu'à leur propre nom.

On s'attendait à des initiatives spéculatives, à l'entrepreneur qui voudrait devenir le propriétaire d'un ".MP3".

On s'attendait à des initiatives communautaires, au .BERLIN et au .PARIS, au World Wide Web Consortium qui lancerait un plan avec ".WEB" pour surmonter la fracture numérique.

On s'attendait même à de grandes entreprises qui lancerait des extensions pour leurs utilisateurs, au ".SKYPE", au ".AIM".

Oui, on s'attendait également à des demandes d'extensions du type ".[RIEN-QUE-MON-NOM]" ou ".[RIEN-QUE-MA-MARQUE]". Mais on ne s'attendait pas à ce que cette idée-là soit pratiquement la seule à venir à l'esprit de ceux qui apprennent la bonne nouvelle. L'Icann va permettre de nouvelles extensions ? On aura des noms comme ".BMW", ".DANONE", etc! Que pourra-t-on faire avec cela ? Nommer des succursales, des revendeurs, des marques ? Utiliser le nom tout seul, sans point ? Tapez "bmw" et vous trouver sur un site nommée "BMW", c'est tout ? Ceux qui s'attendent à cette dernière forme d'utilisation seront probablement déçus. Mais il reste toujours des noms comme "click.kodak", "buy.microsoft", "économiser.creditagricole" etc.

Si une société crée un domaine exclusivement pour ses propres noms et marques, que feront les autres détenteurs de marques notoires ? Qu'ils aient besoin d'une extension propre ou non, ils la demanderont. C'est cher ? Raison de plus. Avoir sa propre extension Internet, c'est le nouveau titre de noblesse !

A terme, il est probable que le processus icannien sera adapté pour empêcher la création d'extensions à usage privé. On conclura que le coût à lui seul ne suffit pas pour enrayer la demande. Par exemple, l'Icann pourrait exiger qu'une nouvelle extension serve principalement à créer des domaines appartenant à autrui (et non pas au titulaire de l'extension). Mais cette possibilité ne fait que renforcer la demande. Ne faudra-t-il pas "prendre" son extension, avant que la porte ne soit refermée ?

Je dois avouer que j'ai été déçu de constater une telle obstination. Au départ je me suis dit que c'était simplement dû à la "communication maladroite" de l'Icann. (Note : C'est une habitude. On rejette d'abord la faute sur l'Icann. On réfléchit ensuite.)

Bon, peut-être cette obstination est elle salutaire. Prenons l'exemple d'un ".MERCEDES". Si on applique les règles approuvées lors de la réunion de l'Icann à Paris en juin dernier, Daimler est la seule entité pouvant avoir cette extension. Je ne sais absolument pas si Daimler s'y intéresse. Si quelqu'un d'autre la demande, Daimler peut faire opposition et sera certaine de gagner. Si Daimler la veut pour créer des noms comme "voitures.mercedes" ou "drive.mercedes", cela passera nécessairement par une remise en question profonde de la stratégie de communication du groupe. Cela peut engendrer la redécouverte des adresses conviviales. Donc, il y aurait du progrès par rapport à des adresses actuelles comme "http://www.mercedes-benz.fr/content/france/mpc/mpc_france_website/fr/home_mpc/passengercars.flash.html" (sic).

Je m'explique : Il est vrai que les extensions privées posent un grand nombre de problèmes. Je les laisse de côté pour le moment. Et il est aussi vrai qu'elles seront moins utiles qu'à première vue. Elles ne seront pas "la" solution pour la protection d'une grande marque. Parlons-en plus tard. Mais l'effort de réflexion qu'il engendrent est bon à prendre. La diversité aussi.

Vous êtes le constructeur BMW et voulez ".BMW"? Pourquoi pas, tant que tous les noms que vous créez contiennent un point. Non, oubliez le "*.BMW". Avez-vous songé à participer dans un ".MOTORS" ? L'un, c'est la noblesse, l'autre, une façon d'organiser une concurrence loyale, dans un souci de communication claire aux clients. Il ne sont pas mutuellement exclusifs.

Noblesse oblige. La marque devenue titulaire du ".BMW" (ou y ayant renoncé après mûre réflexion) sera aussi une bonne citoyenne dans ".MOTORS".

1 commentaire:

ISOC France a dit…
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.